"Encore 350 km avant la Mongolie. Je ne traine pas car même si la route est propre, le risque de verglas et les contrôles routiers incessants m’incitent à rouler doucement. De toute façon, cela fait un mois que je n’ai pas vu une seule montagne alors je profite du paysage. C’est vraiment beau. L’altitude grimpe, c’est de plus en plus blanc. A 14h je ne suis plus qu’à 50km de Tashanta, la frontière. Je m’arrête pour manger en vitesse puis je reprends la route car 50km en altitude, ça peut prendre 1h comme 3h s’il y a de la neige. Mais ça va j’ai de la chance, la route a été dégagée. Je passe la frontière en 30 min, mais c’est à ce moment-là que les choses se corsent. Entre la frontière russe et mongole, il y a un « no man’s land » de 30km et la neige est bien présente sur la route. Je ne mettrai que 2h pour parcourir les 30km. Plaques de verglas, plaques de neige, vive la motoneige.
J’arrive finalement à 18h30 à la frontière mongole. Même si elle ferme à 18h, ils m’ouvrent quand même. Le prochain village est à 30km alors l’un des douaniers m’invite très gentiment chez lui car la route de nuit est très dangereuse.
Le lendemain je me mets en route pour Olgy. Il a cessé de neiger, tout est blanc, c’est splendide. Au bout de 30 minutes, je croise un cycliste sorti de nulle part. Il revient de 4 ans de voyage et est bien content de pouvoir enfin repartir après avoir été bloqué plusieurs jours par la neige. Le problème est que la trace faite par les 4X4 est verglacée. En moto c’est mission impossible. Je roule donc sur le côté de la piste et je fais ma trace dans 10-15 cm de neige. J’arrive tout juste à rouler entre 15 et 20 km/h, tranquillement, en première. Qu’importe, le paysage est à couper le souffle et ma Versys est irréprochable.
La piste monte tout doucement jusqu’à un peu plus de 2300 mètres d’altitude. Je dois être très réactif et très attentif aux réactions de la moto pour éviter de tomber mais j’avance. Sincèrement, en temps normal je ne me serai jamais engagé sur cette piste car c’est vraiment dur mais c’est la seule piste existante et je dois passer ces montagnes pour rejoindre Olgy.
Cependant, le plus dur reste à venir. La piste passe de 2300 mètres à plus de 2600 mètres en quelques kilomètres seulement avec entre 30 et 40 cm de neige par endroit. Ici tout se joue au mental mais chaque mètre parcouru me rapproche d’Olgy.
Le paysage est vraiment trop beau, et je ne peux retenir un fou rire au moment où une marmotte me dépasse. C’est dire si j’avance vite !
Je suis maintenant obligé de rouler dans les traces des 4X4 car la neige est trop profonde mais heureusement le soleil fait fondre le verglas et je reprends ma lente progression. J’avance par palier de 300-400 mètres dans le meilleur des cas. Parfois, après 50 mètres, je suis stoppé car la roue est sortie de l’ornière ou parce que mon pneu arrière n’adhère plus du tout. Dans ce cas là, je laisse la moto patiner jusqu’à ce qu’un peu de terre apparaisse. Je me fais ainsi une piste d’élan d’environ 1 mètre. Je redémarre sur un filet de gaz et j’avance pas à pas au sens propre du terme. Dans ce genre d’effort, ce qui est primordial, c’est de chercher à se fatiguer le moins possible afin de repousser le moment où on puise dans les dernières réserves et ne pas hésiter à se reposer. Au bout d’une heure je n’ai peut-être fait que 2 kilomètres, mais je me sens bien faible. Il est 16h et j’ai fait 60 kilomètres en 6 heures. Une pause s’impose. Je sors le réchaud, les pâtes, de la viande. Je fais fondre de la neige pour faire cuire les pâtes et économiser mon eau.
Une autre moto arrive, le pauvre homme n’en peux plus, me demande si il y a encore beaucoup de neige. Je n’ai malheureusement que des mauvaises nouvelles à lui annoncer vu ce que j’ai traversé. Il me dit que dans 3 km c’est dégagé pour moi. Ouf, j’ai passé le plus dur. Je lui donne à boire, mange mes pâtes et me prépare à repartir.
Au moment de partir, un 4X4 klaxonne derrière. Je lui fais signe de passer, mais en fait le conducteur m’encourage à repartir. J’insiste pour qu’il passe devant car je veux être tranquille pour terminer la montée. Il prend son élan, son 4X4 patine mais continue sa course. A mon tour maintenant. Je démarre, le compteur indique rapidement 24km/h, mais je n’avance pas. Je recule, pousse de toutes mes forces avec mes pieds et reprends ma lente progression. Après 500m d’efforts je suis au sommet. Le 4X4 m’y attendait, guettant mon arrivée, le conducteur descend pour me serrer la main.
J’arbore un grand sourire. Il est 17h30, je suis à 2640 mètres et j’ai franchi l’Altai sous la neige et en moto. Rien que pour ça, je suis heureux d’avoir parcouru 15.000 kilomètres. Olgy n’est plus qu’à 40 kilomètres. Plus que 2 kilomètres de descente enneigée. Les paysages sont merveilleux. Enfin la neige disparait complètement de la route et là c’est tout droit jusqu’à Olgy que j’atteins à 19 heures. Enfin !!!
Le reste de la semaine je me suis lancé dans une boucle qui me tenait à cœur. 3 jours et 450 kilomètres tout seul et en totale autonomie (essence, eau, nourriture) dans l’Altaï mongol. J’ai dû en premier lieu obtenir une autorisation à Olgy pour traverser ce territoire qui est sous surveillance militaire. Ensuite un tel périple se prépare avec sérieux, car la saison touristique est finie et il n’y a quasiment plus personne là-haut. Enfin, la nuit, la température descend jusqu’à -20 degrés. Pour ma part le GPS est essentiel car les pistes ne sont pas référencées sur la carte. Il faut donc souvent naviguer au cap. Je suis donc parti mais sans avoir la certitude de pouvoir faire la boucle car elle commençait par deux cols à 2600 mètres et toujours enneigés. Cependant, le soleil a bien fait son travail et seulement deux kilomètres étaient enneigés.
J’ai ensuite rencontré mes premiers nomades mongols. Puis je suis allé à la découverte de cette région frontalière de la Mongolie réputée pour ses lacs et ses paysages splendides. Enfin, se dire que derrière ces montagnes c’est la Chine et camper par -20 degrés c’est le grand frisson garanti
Je ne compte plus le nombre de rivières traversées avec la Versys et tous les merveilleux paysages que j’ai pu observer, c’était incroyable. Mais ces trois jours n’ont pas été si faciles que ça. Je n’ai jamais relâché ma concentration car comme je l’ai dit plus haut, le moindre problème peut devenir très gênant. De même durant les nuits, lorsque la température était trop froide, je n’ai pas dormi entre 3 heures et 6 heures du matin. Je n’ai cessé de m’alimenter en fruits secs afin d’avoir des calories à bruler. Boire est aussi primordial, voilà pourquoi il faut toujours veiller à ce que l’eau ne gèle pas et glisser une bouteille au fond du sac de couchage est essentiel. Enfin, il ne faut pas oublier de garder le moral, de toujours voir le verre à moitié plein."
Pour vivre l'expérience comme Maxime, visionnez
cette vidéo de sa traversée de la RussieRendez-vous la semaine suivante pour voir comment la Versys de Maxime le transporte à travers la Mongolie.