Maxime Barat : « Juste après avoir mis à jour le site internet, j’ai quitté La Paz vers 14 heures 30 direction Coroico en empruntant el Camino de la Muerte.
J’ai préféré partir en début d’après-midi pour éviter les dizaines de vélo des Tours Opérateurs qui empruntent chaque jour cette route mythique. Je mets une bonne heure pour sortir de La Paz et trouver ce fameux chemin. En théorie, il faut deux ou trois heures pour la parcourir dans sa totalité. Mais la route est rapidement bloquée. Je remonte la file de bus et de camions et découvre qu’un éboulement empêche le trafic. Il va falloir encore près d’une demi-heure avant qu’ils ne libèrent le passage. Camions, bus, 4x4 sont tous déchainés. Cela devient alors très dangereux et stressant ce qui fait que je n’ai pas vraiment pris de plaisir sur cette route qui n’a pour moi pas grand chose d’exceptionnel mis à part les premiers kilomètres accrochés à la montagne. La Bolivie offre beaucoup mieux en termes de paysages.
En revanche, ce qui est mythique, c’est mon sens de l’orientation. Après environ 4 heures de route, j’arrive dans un petit village qui n’est pas Coroico. Je suis à Chulumani à environ 2 heures de route dans la direction opposée… Le lendemain, je fais ressouder et renforcer mon support de valises qui commence à subir les outrages du temps et du voyage, puis prends la piste de Coroico qui serpente le long de la montagne. C’est vraiment joli et il y a beaucoup moins de circulation. En milieu d’après-midi j’arrive enfin à Coroico. Le village est décoré, les gens se promènent en habit traditionnel. En fait, ce soir, c’est la fête de la Vierge. Je décide de rester dormir ici. Demain j’irai à Caranavi à environ 70 kilomètres d’ici.
Le lendemain, je vois deux autres motos, dont une Versys première génération, garées à côté de ma propre Versys. Je fais alors la rencontre de Ernesto et Walter qui font la route ensemble jusqu’à Ushaia. Nous discutons, relatons nos anecdotes et au final, nous déjeunons ensemble. A 14 heures, je descends la piste sinueuse de Coroico. Il y a pas mal de poussière. Je me rends compte que le vieux Pick-up Ford que je suis transporte 5 personnes dans sa benne et met la pression au 4x4 juste devant. Nous roulons à près de 60 kilomètres/heure sur cette piste étroite. C’est plutôt rapide pour ici. J’allume alors la caméra embarquée, les images vont être sympas. Les 4x4 accélèrent, commencent à couper les virages, je les suis mais reste bien sur ma trajectoire. Le premier 4x4 rentre dans une courbe à gauche en aveugle. Horreur ! Le choc frontal arrive mais le Pick-up Ford a tout juste le temps d’éviter le carambolage. Personne n’est blessé c’est le principal, il n’y a que de la tôle froissé. Je me prends une bonne montée d’adrénaline mais je poursuis ma route. J’arrive sur une portion goudronnée de quelques kilomètres, un chien me coupe la route juste quand je suis sur l’angle, je l’évite de justesse. Au bout de quelques kilomètres la route est bloquée jusqu’à 18 heures minimum à cause d’une chute de pierres. Je suis encore à environ 50 kilomètres de Caranavi, il me reste 3 heures de route, je n’ai fait que 20 kilomètres et j’ai déjà failli y rester deux fois. Je prends alors la décision de rentrer à Coroico où je retrouverai mes nouveaux amis motards. J’ai l’impression qu’aujourd’hui j’ai la poisse, on verra demain.
Le lendemain la route est rouverte mais pas pour longtemps. Une nouvelle chute de pierres bloque le passage, c’est très courant pendant la saison des pluies. L’ouvrier me dit de m’avancer, il va me faire passer. Je démarre, m’avance un peu. J’entends alors un bruit d’éboulement. Coup d’œil à droite, un énorme rocher qui s’est détaché vient sur moi. Réflexe je relâche l’embrayage et fais un départ façon motocross, la moto fait un bond en avant et je vois passer le rocher dans mes rétros. L’ouvrier, ébahi, me crie « suerte » (chance) et mon cœur bat la chamade. Je me dis que je ne vais pas finir la semaine ! Après 5 heures de route pour faire 70 kilomètres, je passe Caranavi et continue vers Guanay. Je dois absolument faire le plein. L’homme de la station-service veut bien me vendre 10 litres d’essence dans mes bidons si je gare la moto à 50 mètres. Officiellement, il n’a pas le droit de vendre d’essence à un étranger car seules les stations-services nationales le peuvent. Mais dans les stations officielles, c’est 9,5 bolivianos au lieu de 3,70. Soit environ 1,10 euros au lieu de 40 cents. Ce n’est pas grave, je suis déjà bien content d’avoir 10 litres au tarif local. Puis j’attends à la sortie de la station qu’un bolivien s’arrête me parler. 10 minutes plus tard je donne mes bidons et 40 bolivianos à un local qui va à son tour m’acheter de l’essence. C’est l’occasion de rigoler et de jouer les « bandits » de grand chemin. Bref, chaque plein est une aventure avec son lot de rencontre.
La suite du trajet jusqu’à Guanay est en revanche plus difficile. Il pleut de nouveau et cette terre tassée et mouillée glisse comme du verglas. D’ailleurs je tombe plusieurs fois dont une fois dans un fossé. Heureusement, le conducteur arrivé juste après au volant de sa Toyota CARIB a bien voulu sauter en tong dans la boue pour m’aider à sortir la moto. Le soir à Guanay je rencontre Pedro et Julio qui m’invitent dans leur village et me proposent de dormir à l’abri de la station service qui ne sert plus depuis 10 ans. Nous passons la soirée ensemble. Ils sont chercheurs d’or et travaillent dans une mine à ciel ouvert. C’est alors qu’ils me proposent de passer une journée avec eux. Parfait !
Le lendemain, je m’entasse avec 10 autres mineurs dans un break et c’est parti pour la ruée vers l’or ! Cette journée en leur compagnie a été géniale. Ils ont tenu à tout m’expliquer et m’ont même donné un peu d’or en souvenir. L’eau stockée plus haut dans des réservoirs arrive sous pression à l’endroit où se trouve l’or. Ils érodent alors la paroi et creusent une tranchée où sont disposés des tamis permettant de récupérer le précieux métal.
Vers 17 heures, la piste a bien séché et je décide de rouler une heure ou deux afin de prendre un peu d’avance pour le lendemain. Après une heure à rouler entre 20 et 40 kilomètres/heure, je dépasse deux camions, passe quelques virages et perds l’avant. A ce moment-là, la moto ripe dans un fossé à droite. Mais cette fois ci la roue avant a tapé dans un gros rocher. J’attends les deux camionneurs pour m’aider à sortir la moto. J’ai cassé le garde boue avant qui ne tient plus que d’un côté. En fait, lors de la dernière vérification de pression, la valve de ma roue avant ne s’était pas complètement fermée ce qui a occasionné une crevaison lente et la chute. Je continue jusqu’au village suivant, Sorata, qui n’est qu’à 150 kilomètres de là (soit une journée et demie de route). La piste reprend de l’altitude et m’offre un panorama magnifique. Des pistes improbables débouchent sur des petits villages de chercheurs d’or, c’est génial comme ambiance. Peu de touristes s’égarent ici, il n’y a pas transport, il faut se débrouiller par soi même et cela me plait. Après Mapiri, il n’y a pas de pont, je dois traverser un gros gué. Vu le courant, je ne suis pas confiant et je fais des signes au routier de l’autre côté pour savoir où passer et je m’élance enfin. J’ai rapidement de l’eau jusqu’aux valises, le courant fait riper la moto mais je tiens bon. Je garde un filet de gaz car si je cale et que l’eau rentre dans le pot je suis mal. Je reprends difficilement la progression, la Versys avance en crabe, mais je dois surtout garder le cap ou le courant sera plus fort et pourrait me faire perdre l’équilibre. J’arrive finalement de l’autre côté mais je n’en mène pas large. Plus qu’une heure de route, environ 20 kilomètres. Dernière étape avant Sorata, coupure générale d’électricité et dîner aux chandelles dans un petit village dont j’ai malheureusement oublié le nom.
Sorata est à 4 heures de route et près de 60 kilomètres. Je décide de partir cool, j’ai la journée. Depuis hier, je roule sans garde boue avant, les vibrations en étant venues à bout. Je suis bien embêté car plus rien ne tient les durites de frein que j’ai attaché avec des rilsans et le radiateur n’est plus du tout protégé de la boue, m’obligeant à m’arrêter régulièrement pour le nettoyer. Cette fois, la piste monte franchement sur l’altiplano, c’est magnifique. Je roule tranquillement, entre 30 et 40 kilomètres/heure et je profite du paysage car c’est la dernière journée de route.
Mais à 2 heures de l’arrivée, je suis violemment projeté à terre ! La durite de frein s’est prise dans la roue avant, bloquant cette dernière d’un coup. Bilan : sans la botte d’enduro j’aurai sûrement eu le pied cassé écrasé par la valise droite. En revanche j’ai le coude bien enflé et un peu mal aux côtes. Côté moto, la durite est à moitié arrachée et le liquide s’échappe ce qui fait que je n’ai plus de frein avant. J’ai eu de la chance de tomber sur la piste car ici le ravin n’est jamais loin.
J’arrive finalement à Sorata vers 17 heures après 7 heures de piste ultra glissante en roulant au pas. Ici, la ville est un peu plus grande, je devrai trouver un mécanicien pour m’aider.
En attendant je vais me coucher, c’est plus sûr ! »