Maxime Barat : "A partir d’El Cocuy, je me suis rendu sur les hauteurs dans une petite hacienda sans électricité, sans eau courante et forcément sans eau chaude. Au petit déjeuner, soupe de patate (je vous assure qu’on s’y fait à la longue), fromage, pain et chocolat chaud. Le ventre plein, je pars avec mon sac sur le dos pour ma dernière aventure Sud Américaine. Direction le Paramo à plus de 4000 mètres d’altitude. En chemin, je passe les lagunes Pintada, Cuadrada et Parada. Au fur et à mesure que je monte vers le col de Cusiri à 4400 mètres, je rentre dans les nuages. Ambiance particulière pour ce début de randonnée. Puis le temps se dégage et je découvre un monde peuplé de fraijoles (plantes endémiques du paramo). Vers 15 heures, je tire de nouveau la langue pour monter au col de Patio Bolas puis, après 8 heures de marche, j’arrive à la laguna de la Plaza où je décide de camper.
Je n’ai pas dormi seul cette nuit. Prise en flagrant délit de grignotage de pain de mie, une petite fugitive a rapidement pris la poudre d’escampette.
Cette lagune est tout simplement magnifique. Alimentée par les glaciers, elle déborde en cascade dans le bassin amazonien. Je la contourne par l’Est, monte un grand pierrier et déjeune au bord d’une petite lagune. Je remonte vers le col Balcones à 4450 mètres, découvre la lagune verte de panuelo et passe le col Castillo au plus près des glaciers avant de me faire un campement de fortune au bord de la lagune d’El Rincon.
Au petit matin, le temps s’est dégagé sur les glaciers qui m’entourent. Cette troisième journée sera d’ailleurs la plus belle en termes de paysage. Je traverse d’abord une vallée pleine de fraijoles, puis descends la vallée de los cojines. A la fin de cette vallée, le torrent plonge en cascade dans la suivante. C’est tout simplement superbe ! Obstacle infranchissable, je traverse le gué et remonte la quebrada El Avellanal jusqu’à la lagune du même nom et franchis le col de la Sierra à 4650 mètres, point culminant de cette randonnée. La journée est déjà bien avancée quand je trouve enfin la maison de mes rêves : une grotte.
Appelez-moi Max Pierrafeu, l’homme des cavernes. Après un steak de diplodocus, j’ai enfilé mon pagne et repris la route pour la lagune Grande de los Verdes puis remonté vers les alpages jusqu’au col de Cardenillo. Mais le temps se couvre en un clin d’œil, plus aucune visibilité, je prends comme point de repère un cairn et cherche tout indice menant vers le fameux col. Après une demi-heure de vaines recherches, une éclaircie me permet de retrouver mon chemin. C’est bon, je suis tranquille. De l’autre côté, un sentier évident me mène à la Parada de Romero où j’achète un peu de fromage. A partir de là commence la piste, 4 heures de marche dans la brume, vraiment pénible. Mais le soir, quel bonheur de se faire inviter par une famille colombienne alors que je passe au niveau de leur maisonnette. Au dîner, du mouton. Plus précisément la tête servie avec, devinez quoi : des patates ! Pendant que je découpe de fines tranches de langue, la fille à ma droite gobe les yeux comme des flambys et tout le monde s’affaire à dépecer le reste. Le fils donnera le coup de grâce en arrachant les cloisons nasales qu’il avalera d’une traite. Après ce repas frugal, j’installe mon hamac sous l’appentis. La mère me propose alors de venir dormir dans la chambre familiale. Je me retrouve à dormir dans la même pièce que les parents et les enfants, la télé allumée à fond. Ca me rappelle l’ambiance des yourtes mongoles.
Le lendemain matin, je fais mes adieux à cette famille qui m’a vraiment accueilli chaleureusement. La moto est à 4 heures de marche alors je ne traine pas. Je passe l’hacienda Esperanza où le propriétaire m’enseigne le chemin le plus court pour retrouver ma chère et tendre Versys. Je remonte dans les alpages, dépasse la maison abandonnée et arrive enfin à l’ultime clôture. A 15 heures, je récupère la moto et fonce louer crampons et piolets.
Il est 9 heures du matin, j’ai pas mal de courbatures, mais pas le choix. Mon sac est prêt et j’ai le matériel pour tenter l’ascension du Concavo à 5200 mètres. A 10 heures, je pars de mon hôtel La Capilla. Parti de 3800 mètres, j’entame l’ascension à travers la vallée de los fraijoles sous un beau soleil. Puis la météo se dégrade. Pluie, vent, neige, c’est la totale. Je poursuis et passe au dessus des nuages. Il fait toujours froid mais au moins, il ne neige plus. Après 5 heures de marche, je découvre la Laguna Grande de la Sierra, située entre les glaciers du Concavo, du Pan de Azucar et du Pulpito del Diable. Mais je poursuis encore une bonne heure pour camper au pied du glacier à plus de 4800 mètres d’altitude. Entre temps, il s’est remis à neiger. Bien entendu je n’ai que ma bâche comme abri et une couverture de survie en guise de matelas. Je mets près d’une heure à trouver un endroit au sec en hauteur sur une pierre plate.
Après avoir passé une nuit des plus extrêmes, le réveil est difficile. Il est 5 heures du matin. Je regarde le ciel, c’est tout bouché. A 5h30 pareil. A 6 heures, alors que je commence à replier le campement, le temps se découvre légèrement. Je décide de finalement tenter l’ascension. Crampons aux pieds, piolets à la main, je me lance à l’assaut du glacier. Tout se passe bien, j’ai la super forme et même si je dois faire la trace, je me repère bien et avance à bon rythme. Mais après 1h30 d’effort, les nuages reviennent en force. Je ne vois pas à 2 mètres alors que j’arrive justement sur un plateau avec quelques crevasses à éviter. Je ne vois plus non plus le sommet qui est alors à portée de main. Continuer serait imprudent. Je rebrousse chemin et me retrouve de nouveau au pied du glacier à 9 heures. Encore une sacrée expérience où je me suis rendu compte que renoncer à un objectif est parfois plus dur que de l’atteindre. Mais j’ai eu ce que je voulais. Gravir un dernier glacier et profiter de la vue sur ce paysage de roches, d’eau et de glace. Je trouve que c’est aussi une belle façon de terminer cette aventure Sud Américaine qui aura duré 6 mois dont 20 000km en moto, 30 jours de randonnée en montagne, des dizaines de rencontres, un nombre incalculable de chutes mais au final que du bonheur.
J’aurai aussi appris pas mal de trucs de routard : graisser la chaine et le filtre à air à l’huile de vidange, utiliser des bouts de chambre à air au lieu de tendeurs introuvables dans ces pays, arrimer les caisses avec des cordes plutôt que des sangles qu’on me vole systématiquement, utiliser une bâche plutôt qu’une tente en zone tempérée et tropicale, et enfin, le meilleur pour la fin : le réchaud à alcool au lieu du réchaud à essence qui coûte un bras.
Quand on part en voyage, tout le monde le sait, l’ennemi c’est le poids. Seulement, pour vaincre l’ennemi, on fait tous la même erreur. On accumule du matériel de qualité, peu encombrant mais cher, et au final on se retrouve avec beaucoup de choses inutiles. Il suffit de voir la photo de départ de mon voyage jusqu’en Mongolie. J’étais prêt à conquérir Mars. Cette année je me suis donc débarrassé de tout le matériel devenu défectueux (matelas, tente,…) et ne l’ai pas remplacé. La meilleure façon de s’alléger est d’en prendre le moins possible, dans l’absolu, il faudrait partir en voyage sans bagage Résultat : Il me reste pas mal de place dans les caisses devenues trop grandes. Il faut aussi tirer profit de ses points faibles. Par exemple, n’étant pas du tout mécanicien dans l’âme, je n’ai quasiment pas pris de pièces de rechange et ne transporte qu’un petit coffret à cliquet, ce qui me fait encore gagner du poids. Exit aussi les pneus supplémentaires. En fait je déconseille fortement l’usage de trop de bagagerie. Pour une personne seule, deux valises latérales ou une sacoche de réservoir et une sacoche de selle suffisent amplement. Ainsi vous n’avez pas besoin de renforcer les suspensions, le châssis, d’améliorer le freinage ou d’augmenter la puissance. Bref vous ménagez votre monture et vous pouvez aller « crapahuter » n’importe où. Un bon moyen de voir si votre moto est trop lourde pour vous est de la charger, la coucher et la relever sans défaire les bagages. Testé et approuvé sur la Versys !
Il ne me reste maintenant que quelques jours en Amérique du Sud, ce qui me laisse un peu de temps pour renvoyer la moto. Dès mon retour en France, je vous ferai un bilan de la moto et de l’équipement utilisé durant ces 6 mois.
A très bientôt."