Maxime Barat : « Bon ben voilà, Santa Rosa c’est fini. Direction La Paz. Cette incroyable ville perchée tout là haut sur l’altiplano. En attendant, il me reste 400 kilomètres de piste et 90 de goudron. Mes crampons mordent le « ripiot ». Ca vibre, ça secoue, ça glisse. C’est la piste. Je sais que ce sont les derniers moments dans la forêt. Ici, pas moyen de trouver un endroit où dormir, la route n’est empruntée que par les transporteurs en tout genre qui ne s’arrêtent pas. Cela fait maintenant 3 villages que l’on me dit qu’il y a de quoi se loger dans le village suivant. Malheureusement, je ne trouve rien. Vers 21 heures, j’en ai marre. La conduite de nuit est dangereuse, et en plus, je fatigue. Je demande à une vieille dame qui sert des jus de fruits si je peux camper à côté de sa maison. Pas de soucis, je monte la tente sous l’œil amusé des enfants et rentre dans ma caverne. Le lendemain, dernière étape avant La Paz, la piste monte doucement dans les montagnes et est parfois dans un sale état. La conduite se fait alors souvent à gauche pour que le conducteur puisse voir où il pose ses roues par rapport au ravin tout proche. Le problème c’est qu’il manque des panneaux et comme je ne connais pas l’endroit je ne sais pas toujours s’il faut conduire à gauche ou à droite. Alors je conduis au milieu. Je me dis que de cette manière, je n’ai pas tout à fait tort. Mais je me suis fait quelques frayeurs quand même ! En tous cas, ces pistes creusées dans la montagne sont hallucinantes. Cela me donne un avant-goût de la « Ruta de la Muerte » (Route de Mort). Mais ce ne sera pas pour aujourd’hui car l’arrivée à La Paz s’est faite par la nouvelle route. Je suis bien malade et cela fait 150 kilomètres que je suis plié en deux sur la moto. En plus de cela, le soleil ne va pas tarder à se coucher alors je préfère aller au plus vite.
J’atterris finalement au Bacoo hostel où j’hiberne les deux jours suivants. Vendredi je peux enfin aller me promener. C’est pas encore ça mais bon je n’en peux plus de rester là même si l’auberge est top. Sur un coup de tête, j’achète une carte des alentours de La Paz, de la nourriture pour 3 jours et prends un bus pour Coroico. Après 2 heures et demie de bus, le chauffeur me dépose comme je lui ai demandé à l’entrée de la piste qui va vers Chairo. L’idée : partir à pied et monter sur l’Altiplano à près de 5000m d’altitude en empruntant la route de Choro, une ancienne voie Incas, sans guide et en autonomie totale.
En attendant je suis au départ de cette piste, il est 22 heures et le prochain village est à plus d’une heure de marche. Heureusement je trouve rapidement quelques maisons et demande de camper. Un orage éclate, il pleut à l’extérieur et à l’intérieur de ma tente. Génial ! Je me réveille dans mon sac de couchage bien trempé. Et c’est parti pour 8 heures de marche entre 1000 et 2000 mètres d’altitude. Je mets près de 3 heures à parcourir les 12 kilomètres qui me séparent de Chairo où débute le trek. La nature est luxuriante, l’air humide et je ne suis pas au mieux de ma forme mais bien content de retrouver des coins sauvages. A midi je quitte la piste et m’enfonce dans la forêt en suivant un petit sentier. Ce chemin est en fait une vraie ligne de vie entre les quelques hameaux entretenus par les villageois. Chaque hameau est composé d’une ou deux maisons. Ce sont en fait des familles qui se sont installées là et n’en n’ont jamais bougé. Le soir je dors dans un abri à Bella Vista qui porte bien son nom. Je fais tout sécher et dors au sec. En principe ce trek se fait en descente et en 3 jours, en montée c’est bien physique et je pense mettre au moins 4 jours.
Le deuxième jour, le chemin ne fait que monter et descendre. C’est plutôt inquiétant, quand je pense à tout le dénivelé qu’il me reste à faire. En tous cas, le paysage ne change pas : des rivières, des ponts suspendus et une forêt impénétrable alors que je suis entre 2000 et 2500 mètres d’altitude. Je ne suis pas trop loin de l’équateur. Sur le chemin je rencontre deux français et un bolivien. Il est 14h, je m’accorde donc une petite pause, qui va durer un certain temps. Mince je suis en retard ! Je marche à un bon rythme mais ne peut atteindre Challacapampa à temps. Tant pis. Je dors à même le chemin à environ 2400 mètres d’altitude.
Le troisième jour le sentier grimpe dur dès le réveil. Parti à 7 heures, je suis déjà à 2900 mètres à 9 heures. La végétation disparait. L’air est sec, la vue se dégage. J’adore ! Vers 11 heures, le chemin Incas est de plus en plus évident. C’est incroyable les traces laissées par cette civilisation. A midi je suis à Cuchura à 3700 mètres. J’ai bien avancé mais je suis limité en nourriture, il faut que je me ravitaille avant demain. L’ascension devient difficile, ma respiration de plus en plus haletante, mais le paysage vaut le coup. Ici c’est un vrai village avec l’électricité, l’école, et même un péage pour les étrangers afin de contribuer à l’entretien du chemin. Ils sont forts ces boliviens ! Finalement, j’arrive à Samana Pampa à 3900 mètres d’altitude sur le coup des 15 heures. Je vais m’arrêter là pour aujourd’hui. Le lieu est idéal pour camper, la vue superbe et j’ai trouvé un vieil homme qui fait des sandwichs aux œufs pour le petit déjeuner. Le soir je campe un peu à l’écart du village pour être tranquille. Je suis tout juste à 4000 mètres d’altitude.
Mardi. Le dernier jour. Plus que 850 mètres de dénivelé avant le col de la Cumbre. Après 4 sandwichs aux œufs, je repars tranquille. Je ménage mes efforts, profite de la vue. J’en bave un peu mais je savoure cette dernière ascension. Je suis sur une route mythique, en train de monter sur l’Altiplano. Je m’arrête à 4400 mètres pour voir les ruines Incas qui ne sont plus que des tas de cailloux et reprends doucement. Je m’arrête régulièrement pour boire et éviter les crampes. A 15 heures, après 5 heures de marche, je suis à 4850 mètres d’altitude. Le temps est superbe. Je vois que le Cerro Kolini, un sommet tout proche semble facile d’accès. Je sors du chemin et prends la crête qui contourne le sommet. Je serre un peu les dents car mes jambes faiblissent, et je me retrouve 50 minutes plus tard à 4990 mètres. Un magnifique panorama à 360 degrés sur la Cordillera Real s’offre à moi. A 16 heures, j’entame la descente jusqu’à la route. A 17 heures 30 on me prend en stop jusqu’à La Paz.
J’ai le sourire aux lèvres car je suis monté à pied sur l’Altiplano… »